vendredi 10 avril 2009

Morhange

Nous avancions de grands espoirs gonflaient nos cœurs
Nous avions arraché les poteaux des frontières
O qu'on était joyeux de se croire vainqueurs
Quels rêves insensés dans nos âmes altières!

Marsalles nous a vus marchant comme à la fête
Et le pas cadencé, les drapeaux frémissants
Le régiment tambour battant, musique en tête
Nous recevions les fleurs que jetaient les passants

Et dans les blés fauchés rouges coquelicots
Nous courions en chantant la vieille Marseillaise
On entendait au loin nous répondre l'écho
Comme s'il comprenait notre chanson française

Les villages semblaient s'écarter devant nous
Et nous allions en bonds, délirants, emportés
Et nul ne résistait, mais hélas, un soir d'août
Le régiment au bord d'un bois s'est arrêté.

Ah c'était autrefois, il y a bien longtemps
Et l'on avait alors des horizons plus larges
Quand dans les clairs matins, debout, le cœur battant
Nous écoutions, au vent d'été, sonner la charge

Je me souviens de jours lointains inoubliés
Où nous n'avions alors ni croix ni fourragères
Rien que l'immense ivresse en marquant nos souliers
De fouler pas à pas une terre étrangère

Marsalles puis Morhange, la marche, la bataille
En tirailleurs ainsi qu'on nous avait appris
Nous passions en chantant sur leur faux de mitraille
Nous avons reculé, mais sans avoir compris

Et nous chantions encore, au soir de la déroute
Epuisés et blêmis, tremblant sur nos genoux
Et nous disions aux gens éplorés sur la route
Nous reviendrons un jour restez attendez nous.

Et les jours sont passés les mois et les années
Nul matin n'est encor levé sur l'inconnu
La vieille terre attend, là-bas, abandonnée
Le régiment français qui n'est pas revenu.

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