Poèmes intimistes



A mon cher Petit Pierre (8 mai 1960)

En regardant le tableau de mon vieil Humbertjean

De l'heure où je passais, près de ces quais de pierre
(J'y pense d'un cœur las ) à celle d'aujourd'hui
Comme l'eau sous les ponts, 50 ans sont enfuis;
L'ombre des disparus assombrit la lumière.

Je m'en allais très tard, sur le chemin de plaine
Seul ! évoquant pour tous de fabuleux destins;
Que me reste-t-il donc de mes rêves lointains ...
La Nuit chantait l'Amour, je n'ai trouvé que haine.

La Paix du Monde ! Hélas, aux veilles de la Guerre
J'avais seize ans, les marronniers étaient fleuris
Et j'aimais mes copains! demain ne comptait guère
Un seul d'eux reste encore, la mort les a tous pris.

Mais je dresse, en mon cœur, plus clair qu'un mausolée
Le souvenir ému de chacun de leurs noms.
Rozard et Renaudin, Balland Thierry. Non ! Non !
Rien ne demeure-t-il des heures en allées

Que toi Véchin ! (je ne voudrais pas te revoir )
Cet indicible oubli à jamais nous recouvre
Je crois dis moi, ainsi, remplir comme un devoir.
...
Mais qui donc a la Clef pour que la porte s'ouvre.

Pierrot

Sonnet

Au flanc du coteau
Verdures et roche
Signerelle accroche
Les tours d'un château

Je vois, de Montot
Son église proche
Le rapide coche
Y mène aussitôt

Charmille ... un tournant ...
Sous la porte ronde
Vois ! Ernest Bernand

Louise en tablier
Jeanne, fraîche et blonde
Fleurit l'escalier,

Lily ? Lily est
Parti voir sa blonde !

Jardinier

Ayant bêché deux fois dont une avant l'hiver
Répandu son fumier puis l'ayant recouvert
De son râteau placide écrasant chaque motte
Le jardinier Albert sème de la carotte

Après trois mois, lu relu potassé
"Le parfait jardinier", "manuel agricole"
et récité tout bas, comme on fait à l'école
Tant de grains, chaque trou étant bien espacé

Tant de pieds de largeur, qu'il faut traduire en mètres
Et le nombre de plants par pot que l'on doit mettre
Ayant à Prisunic acheté ce qu'il faut
La fourche à quatre dents la bêche , le râteau
Et le tablier vert moins large que sa poche
Grave, tel qu'un chasseur quand l'ouverture est proche
Astique son fusil, veille aux plombs préparés
Albert Moine a déjà dessinés ses carrés

Enfin du jour béni, s'allume l'aube immense
Notre grand jardinier emporte la semence
Un tout petit paquet au fond d'un gros poussin
Avant patron minette il est là le premier
Traînant son attirail agraire sur son dos
Il a les plans en main, le livre et le  cordeau
Le mètre, voici faits les sillons parallèles
Il dépose la graine, ému, tasse à la pelle
Et comme il est prescrit bassine à l'arrosoir
Demain, je le verrai, puis aussi chaque soir
Venir et regarder, tout près tête baissée
Si la graine n'est point par miracle poussée.

Hiver 

C'est l'hiver, c'est la nuit qui tombe
Givrant le toit de la maison
Et la lune de l'horizon
Semble veiller sur quelque tombe

La route blême est une allée
Entre des croix, simples poteaux
Là haut, ce tertre un mausolée
Qui dans le jour n'est qu'un château

 

Départ

J'ai rêvé d'un départ sans but à l'aventure
Vers des climats plus doux, vers des hommes meilleurs
J'aurais voulu partir pour aller voir ailleurs
D'autres maisons, d'autres chemins, d'autres natures

M'enfuir vers l'horizon, bouger, changer de place
M'émerveiller chaque soir sous un ciel inconnu
Mais je suis resté seul, si faible, sans l'audace
Et le jour de partir, lui, n'est jamais venu.

Autrefois, j'écoutais, sur la vieille cité
Quelque monstre rugir en déchirant l'espace
Je rêvais de gloire au bruit d'un train qui passe
Je rêvais d'infini et je n'ai rien quitté.


Mais maintenant la nuit quand le sommeil s'achève
J'entends au loin  siffler un train qui part
Je me souviens, hélas, et mon front se soulève
Je voudrais m'en aller je sais qu'il est trop tard

 

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